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La Clinique du Soin – une intervention possible

  • Latesfip
  • 2 de jun. de 2019
  • 5 min de leitura

Atualizado: 8 de jul.

Luciana Guarreschi, Ilana Katz, Christian Dunker

apresentado em: I Convenção europeia da IF-EPCL : “O dizer dos exílios”



En 2016, la construction de Belo Monte a déplacé 30 000 riverains du fleuve Xingu vers des Cités Urbaines éloignées du fleuve, référence du mode de vie ‘ribeirinho’, comme on les appelle en Amazonie. Des désordres mentaux et somatiques : troubles du sommeil, attaques cardiaques, paralysies, dépression, AVC, ont surgi dans des proportions épidémiques chez ces nouveaux arrivants à Altamira, ville-relais de ce qui fut, à l’époque, le plus grand chantier d’infrastructure de la planète. Anthropologues, écologistes, cinéastes et nombre de groupes sociaux, y compris la Société Brésilienne pour le Progrès de la Science, se sont élevés contre la construction de ce barrage, dénonçant une catastrophe éthique, écologique et démographique.


À l’appel de la journaliste Eliane Brum (El País), une équipe de l’Institut de Psychologie de l’Université de São Paulo a conçu une intervention psychanalytique baptisée Clinique du Soin, idéalisée par les psychanalystes Ilana Katz et Christian Dunker et constituée d’un groupe de 16 praticiens, un photographe et une journaliste. Il s’agissait de suivre, en régime d’urgence et en continu, plus de 70 personnes déplacées comme des corps déportés. Une levée de fonds a financé l’intervention tout en donnant visibilité à la situation locale et a permis la collecte de matériel iconographique et filmique : film Eu+1 disponible sur YouTube.


Le discours juridique justifiant la désoccupation s’appuie sur le concept de maison, la façon de lui rendre sa valeur, la manière de reconstruire son lieu de vie et a été élaboré par l’entreprise, avec l’assentiment de l’État brésilien, sans considération pour la culture, le mode de vie et d’appartenance de cette population. On a relogé les gens dans de petites maisons en dur, avec une urbanisation citadine, ce qui pourrait sembler un progrès : habiter en ville, accès facilité aux biens et aux services. Mais tout ce qui représentait une protection au quotidien leur a été ôté : la maison, le voisinage, les activités de survie. La politique de séparation des familles et la corruption des liens sociaux menée par l’État a frustré les ribeirinhos de l’expérience symbolique du deuil pour la perte vécue et a constitué un obstacle aux ressources mobilisées historiquement par ces populations pour reconstruire leurs foyers et réoccuper des territoires, et ce afin de briser leur solidarité collective. Il n’y avait plus de territoire subjectivé.


Le philosophe V. Flusser avance l’idée de patrie au-delà des limites géographiques, comme un réseau de liens qui peuvent s’imposer par la naissance dans un territoire donné, mais pouvant aussi se constituer par des liens d’amitié et d’amour choisis lors de vécus autres que l’évènement biologique. L’idée de patrie s’assimile ainsi au radical heim (foyer) dont Freud a étudié les modalités de négation systématique dans son article sur le Unheimlich. Les ribeirinhos ont été expatriés tout autant par leur éloignement du fleuve que par les intérêts obscurs de l’État, et plus encore du fait de pointer publiquement une supposée faiblesse.


Ces grands ouvrages s’importent peu que les gens souffrent de l’expulsion de leurs terres et la destruction de leurs modes de vie. La violence de l’impact dépasse la capacité d’élaboration symbolique du vécu par le sujet, devenu un nombre statistique au sens collectif et individuel. On sait qu’un évènement qui n’aboutit pas à sa représentation symbolique se répète et est vécu comme éternellement présent. On retrouve, dans les récits, la répétition maudite qui afflige Altamira depuis plus de cent ans : la guerre du caoutchouc des années 1920 avec des centaines de milliers de morts, des dizaines de milliers de morts lors de la ruée vers l’or et l’occupation de terres indigènes dans les années 1960, des milliers de morts lors de la construction de la Transamazonienne dans les années 1970. Belo Monte n’est pas seulement une tragédie, mais sa répétition, comme une farce et un oubli.


Ce qui ne devient pas mémoire se répète avec insistance. On a appris avec Freud que pour le malade, le moment du traumatisme n’est pas passé et il continue de toujours le considérer présent. En écoutant ces populations, on comprend que le hiatus entre le vécu et sa possibilité d’être raconté a suscité l’apparition de symptômes. Toutefois, notre propos n’était pas seulement d’amoindrir la souffrance aiguë des ribeirinhos abandonnés, mais aussi créer un repère historique produit par le croisement des discours de souffrance et qui serve d’alerte et de symbole pour le souvenir du traumatisme.


Notre écoute s’est ainsi partagée entre mobiliser des souvenirs et des affects découlant de deuils en suspens et faire céder les formations identitaires qui renforçaient les sentiments d’indigence et de passivité qui les réunissaient autour d’un vécu catastrophique. Avoir abandonné le discours de résistance et de révolte qui, des années durant, les avait mobilisés et unis contre la construction du barrage, diminuait leur souffrance tout en repoussant le début de leur deuil. Changer de discours devenait un travail collectif nécessaire qui n’a pas manqué de convoquer l’écoute analytique sur la scène politique de la ville et de la communauté des ribeirinhos, les menant à fonder une association et construire une grammaire élémentaire de reconnaissance de leur mode de vie.


La construction de ce modèle d’intervention n’a certes pas été pensé sans d’autres ressources : implication et rectification du sujet, transfert et interprétation et leur usage dans une clinique non traditionnelle. On a cherché une certaine alternance au transfert par le biais de consultations en couples, tout en coordonnant des interventions pensées sur un minimum de trois temps logiques. La stratégie de distribution des ressources d’écoute et les risques d’intervention trop rapide pour la progression des transferts étaient supervisés quotidiennement. À notre grande surprise, on nous indiquait spontanément des personnes en état d’urgence, les agents soignants étant dès lors reconnus par le groupe, et la parole coulait, les maisons s’ouvraient à notre écoute avec des effets inattendus en termes de mémoire et d’implication subjective face au désastre.


S’inspirant du dispositif de la passe, la Clinique du Soin a aussi pour but que le sujet puisse reprendre les signifiants de son histoire, gravés dans la permanence de l’écrit et le support matériel du film. Terminant les écoutes à Altamira, nous nous sommes assignés au travail d’écriture dont l’objectif final était la construction d’une méta-narration, croisant et mariant les vécus constatés, créant de pair confidence et circulation signifiante sous le registre de la lettre. En repassant le vécu recueilli sur le terrain vers une réécriture professionnelle, nous rendons la lettre à son destinataire en érigeant un monument à la souffrance qu’on a identifiée cliniquement. Ce monument n’a qu’un désir : restituer à l’espace public, par le biais de l’histoire racontée par ces gens, une souffrance qu’il ne reconnaît pas, montrant également la dimension politique que la clinique est capable de porter.


Luciana Guarreschi – psychanalyste, membre d’École, membre du Forum São Paulo, Brésil.


Christian Dunker – psychanalyste, A.M.E de l’EPCL – Brésil.


Ilana Katz – psychanalyste, idéalisatrice de la Clinique du Soin.


Bibliographie Flusser, V. Habitar a casa na apatridade.

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